C’est arrivé un 6 novembre 1980 : Microsoft vend DOS à IBM… sans exclusivité”
En ce 6 novembre 1980, Microsoft conclut un accord qui va changer l’histoire de l’informatique personnelle. La société dirigée par Bill Gates et Paul Allen vend une licence pour son système d’exploitation, le DOS (Disk Operating System), à IBM pour son futur PC. Mais cet accord a une particularité qui aura des répercussions monumentales : Microsoft conserve le droit de vendre DOS à d’autres entreprises, sans exclusivité pour IBM. Cette décision stratégique, peu remarquée à l’époque, s’avérera être l’un des choix les plus cruciaux de l’histoire de Microsoft, propulsant l’entreprise vers une domination quasi totale de l’industrie du logiciel pour ordinateurs personnels.
Un marché émergent : l’ordinateur personnel
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, les micro-ordinateurs sont en train de devenir une réalité. IBM, jusqu’ici spécialisé dans les gros systèmes pour les entreprises, prend conscience de l’essor de la micro-informatique et des nouvelles perspectives commerciales qu’elle offre. La société décide alors de se lancer dans le marché grandissant de l’ordinateur personnel en développant le IBM PC. Cependant, pour que cet ordinateur soit fonctionnel, il a besoin d’un système d’exploitation pour gérer le matériel et les logiciels applicatifs.
IBM cherche un partenaire pour développer ce système d’exploitation. Après des discussions avec d’autres acteurs, la société se tourne vers Microsoft, qui, bien qu’encore petite, a déjà fait ses preuves avec le développement du langage de programmation BASIC pour l’Altair 8800. Gates et Allen saisissent cette opportunité avec ambition et s’engagent dans le projet.
La négociation de l’accord : une licence sans exclusivité
Microsoft, alors jeune entreprise sans beaucoup d’influence face à un géant comme IBM, surprend en négociant habilement une clause stratégique. Plutôt que de céder l’exclusivité de DOS à IBM, Microsoft opte pour une simple licence, lui permettant de vendre ce même système d’exploitation à d’autres constructeurs de micro-ordinateurs. Cette flexibilité est cruciale pour Microsoft car elle lui laisse les mains libres pour développer son marché au-delà d’IBM.
À l’époque, cette décision n’apparaît pas immédiatement comme révolutionnaire. Les responsables d’IBM, convaincus de leur leadership, pensent que la marque IBM et la qualité de leur matériel suffiront à dominer le marché. Mais Gates et Allen anticipent la montée de nombreux autres fabricants d’ordinateurs personnels et savent que la demande pour un système d’exploitation standardisé va croître rapidement. Ils font donc un pari visionnaire en conservant les droits de DOS, pressentant que ce choix stratégique pourrait transformer Microsoft en un acteur incontournable du logiciel.
L’origine de DOS : un achat malin
En réalité, Microsoft ne développe pas DOS de zéro. Ayant pris conscience du potentiel de cet accord, Bill Gates identifie rapidement un système d’exploitation existant, QDOS (Quick and Dirty Operating System), conçu par Tim Paterson de la société Seattle Computer Products. Plutôt que de perdre du temps en développement, Microsoft rachète QDOS pour une somme modeste et le modifie pour en faire le MS-DOS, le système qu’il va proposer à IBM. Cette approche permet à Microsoft de livrer rapidement un produit fonctionnel et adapté aux besoins d’IBM, tout en minimisant les risques.
Un pari qui s’avère gagnant
Lorsque l’IBM PC est lancé en août 1981 avec MS-DOS comme système d’exploitation, il rencontre un succès phénoménal. Rapidement, d’autres fabricants d’ordinateurs personnels émergent, imitant ou clonant le matériel IBM pour créer leurs propres PC. En raison de l’accord non exclusif avec IBM, Microsoft est libre de vendre MS-DOS à ces nouveaux acteurs, ce qui lui permet de devenir le fournisseur de systèmes d’exploitation pour l’ensemble de l’industrie des PC compatibles IBM. Cette stratégie offre à Microsoft une position dominante, car MS-DOS devient progressivement le standard des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels.
En quelques années, MS-DOS s’impose comme le système d’exploitation dominant. Grâce à cette stratégie, Microsoft obtient une source de revenus réguliers et croissants, renforçant sa place de leader du marché logiciel. La vision de Gates et Allen, combinée à une prise de risque mesurée, permet à Microsoft d’atteindre une position de monopole de fait sur le marché des systèmes d’exploitation pour PC.
Impact durable : les débuts d’un empire technologique
Cet accord du 6 novembre 1980 établit les fondements de l’empire de Microsoft, avec MS-DOS comme première pierre d’un écosystème logiciel qui s’étendra ensuite avec Windows et les suites bureautiques comme Office. L’absence d’exclusivité, qui permet à Microsoft de vendre son système d’exploitation à toute l’industrie des PC, reste l’un des choix stratégiques les plus intelligents de l’histoire de la technologie. Aujourd’hui encore, l’empreinte de cet accord se fait sentir, car il a non seulement propulsé Microsoft au sommet de l’industrie, mais a également façonné le marché de l’informatique personnelle pour les décennies suivantes.